Article du Paris-Normandie (03/02/16) :
"La démarque inconnue, les vols : le fléau de la grande distribution. Avec tant d’intervenants extérieurs, pas facile en effet de tout contrôler, de tout maîtriser. C’est, rétrospectivement, ce qu’à dû penser le Leclerc de Saint-Pierre-lès-Elbeuf quand une vaste affaire de vol fut dévoilée en décembre dernier, par le truchement d’un simple et aléatoire contrôle de police. Et jugée récemment devant le tribunal correctionnel de Rouen.
Les faits : Cédric P., 30 ans, est un employé modèle de la grande surface, il a même été élu délégué du personnel suppléant, signe que ses collègues lui font confiance. Mais Cédric P. a aussi des soucis d’argent. La tentation de gains facile est grande. Il repère les caméras de surveillance, trouve des angles morts et met au point une méthode hardie pour piller le magasin. Dans les réserves, il dissimule des bouteilles d’alcool dans des palettes de packs d’eau. Ces palettes sont ensuite emmenées à l’extérieur du magasin. En fin de service, il s’y rend et saisit les bouteilles avant de les jeter par-dessus la clôture, dans un champ attenant. Il n’a plus qu’à aller les récupérer à la fin de son service. S’enhardissant à chaque vol, ce ne sont plus des bouteilles à l’unité mais des cartons entiers de vodka, de whisky et de bourbon qui prennent le chemin des airs. Évidemment, il y a des pertes, des bouteilles cassées. Ça ne coûte guère au prévenu.
"Vous avez le droit de dire ce que vous voulez"
Mais dans cette affaire, si Cédric P. sait voler, il ne sait pas revendre. C’est là qu’intervient Yero M., 25 ans, qui se charge d’écouler la marchandise selon le tribunal, même s’il nie tout rôle dans l’affaire et inspire visiblement une sainte terreur à Cédric P. La « peur des représailles », parce qu’il a parlé. Yero M. aurait revendu une partie du stock à une épicerie de la ville.
Le trafic aurait pu durer un bon bout de temps sans un contrôle inopiné survenu le 9 décembre dernier. Cédric P. et Yero M. sont vus dans un véhicule qui semble avoir un comportement suspect. Un contrôle de la brigade anticriminalité découvre des dizaines de bouteilles et rapidement Cédric P. passe aux aveux. « Après cette affaire, le magasin a procédé à un inventaire serré des stocks. Il manque 824 bouteilles, même si on ne peut pas toutes les imputer aux prévenus », détaille Me Gacouin, l’avocat du supermarché.
« Je connais la réputation de Yero M. J’ai peur des représailles », avoue à la barre Cédric P., visiblement apeuré. Le complice mis en cause répond qu’il n’a rien à voir avec ce trafic. « Pourtant, vous avez adressé un SMS où il était question de huit cartons d’alcool, du whisky et de la vodka. Si vous n’étiez pas dans ce trafic, ça correspond à quoi ? » « Je devais participer à une soirée et je croyais m’adresser à une amie, pas à Cédric P. » « Vous auriez été combien à cette soirée ? » « Une vingtaine, peut-être. » « Vous comptiez vraiment boire beaucoup », s’amuse le tribunal qui écarte cette défense d’un revers de robe. «Franchement, vous avez le droit de dire ce que vous voulez, mais n’oubliez jamais que le tribunal peut penser ce qu’il veut aussi. »
Moralité : les deux prévenus, aux casiers presque vierges, ont écopé de six mois de prison avec sursis et devront régler 6 430 € de dommages et intérêts au magasin."
Source : Paris-Normandie (B. M-C)