L'elbeuvien, Yassine Benzia, qui évolue à l'OL, supporte mal sa situation dans son club.
Yassine Benzia, tout juste 19 ans, né à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, entame sa quatrième saison à l'Olympique Lyonnais. Meilleur buteur de l'histoire de l'équipe de Lyon des moins de 17 ans en 2010-2011 avec 36 buts (en 34 matchs joués), une des meilleures révélations de la Coupe du Monde U17 en 2011 (5 buts et soulier de bronze), vainqueur du Trophée des Champions en 2012, il a joué 16 matchs en Ligue 1 la saison dernière et a marqué 2 buts sur ses trois matchs d'Europa League.
Cette saison, Benzia n'a joué que 7 matchs en Ligue 1 (3 en titulaire, 4 en remplaçant), mais a marqué son premier but dans l'élite contre Sochaux, le 16 août dernier. Sélectionné en Équipe de France Espoirs (5 sélections, 4 buts) par Willy Sagnol, l'attaquant a disparu des écrans en Ligue 1.
Yassine Benzia est sorti de son mutisme depuis quelques semaines, notamment lors d’une interview accordée à Canal+ dans laquelle le jeune joueur avait confié son désir de réussir dans son club formateur, lui qui avait eu quelques soucis disciplinaires en début de saison. Mais, c’est cette fois sur Football365 que Benzia s’est exprimé et cette fois il hausse clairement le ton, attaquant frontalement le club de Jean-Michel Aulas, dont il ne pense plus avoir la confiance, et n’étant pas loin d’exiger un bon de sortie.
« ... Juste de jouer régulièrement »
› Yassine Benzia, quel sentiment vous inspire votre début de saison avec l’Olympique Lyonnais ?
Un sentiment mitigé. Ça avait bien commencé, j’étais titulaire. Mais j’ai ensuite été écarté, et même si je reviens petit à petit, je ne voyais pas mon début de saison comme ça. Je m’attendais à enchaîner les matchs et à bénéficier de la confiance du coach. J’avais fait un bon Euro, ce qui m’a permis de revenir facilement dans le groupe. J’ai été bien intégré, je me sentais en confiance, et petit à petit, ça s’est dégradé.
› Quand avez-vous senti le vent tourner ?
Avec le retour de Bafétimbi Gomis et Jimmy Briand. J’ai senti que les dirigeants me faisaient moins confiance et voulaient plus d’expérience. Vu comme on me parlait et comment on m’utilisait, j’ai senti que ça allait changer.
› Au cours de la saison, l’OL est passée à deux attaquants. Mais ce sont Gomis et Briand, deux joueurs en fin de contrat et qui ne devraient pas prolonger, qui ont bénéficié des faveurs de l’entraîneur. Comment l’avez-vous vécu ?
Ce n’est pas forcément facile. Au début, je n’y prêtais pas trop attention. Je me suis juste dit que vu qu’ils (Gomis et Briand) revenaient, il y allait avoir de la concurrence et que les choses sérieuses allaient vraiment commencer. Mais j’ai vu au fil du temps qu’il n’y avait aucune concurrence en fait. Je sais que je suis jeune mais j’ai besoin de temps de jeu, et je sais que mon agent a récemment reçu des offres de prêt. C'est une solution qui me plait beaucoup et qui pourrait arranger tout le monde. On va en parler car je ne peux pas prendre le risque d’avoir aussi peu de temps de jeu sur la seconde moitié de saison.
› Même si ce n’est que momentanément, vous êtes donc prêt à quitter l’OL aujourd’hui ?
Moi, j’ai prolongé mon contrat l’année dernière en pensant vraiment à l’avenir. Maintenant, les paroles n’ont pas débouché sur des actes. Je patiente, je patiente, mais je n’enchaîne pas les matchs. Donc si ça continue comme ça, j’irai chercher du temps de jeu ailleurs. On me dit que je suis l’avenir, on me dit qu’on compte sur moi, mais dans les actes, je joue très rarement. Je ne demande pas d’être indiscutable, mais juste de jouer régulièrement à mon poste et d’avoir ma chance, pour que je puisse montrer mes qualités. Je ne vois pas pourquoi je resterais dans un club où on ne me fait pas confiance. L’OL est le club qui m’a formé, je serais déçu de devoir le quitter, mais je suis footballeur et je vais là où l’opportunité est la meilleure pour moi.
« On a un peu été les bouc émissaire »
› Comment avez-vous pris le fait de n’être jamais utilisé à votre poste de prédilection lors des rares matchs que vous ayez joués ?
Je ne l’ai pas mal vécu. Quand on me met sur un terrain, quel que soit le poste que j’occupe, j’essaye de donner le meilleur de moi-même. Ce que j’ai mal vécu, c’est qu’on me reproche des choses pour un rendement à un poste qui n’est pas le mien. On m’a reproché de ne pas être assez efficace, ni décisif. Il ne faut pas oublier que je ne suis pas un spécialiste du poste. Qu'il faut enchaîner les matches pour s'adapter à ce poste pour être plus à l’aise. A ce poste il y a plus d’efforts défensifs à fournir et je n’avais pas forcément les repères nécessaires.
› Avez-vous eu aussi l’impression après l’élimination face à la Real Sociedad que le club voulait faire porter le chapeau aux jeunes, et à vous en particulier ?
Oui, exactement. Notamment dans la presse. A chaque fois que l’OL connaissait une désillusion, il était beaucoup question des jeunes. Nous, les jeunes, on a eu un peu de mal à comprendre. En ce qui me concerne, je n’ai pas compris pourquoi les reproches qui m’ont été faits l’ont été par voie de presse. Notamment des choses qu’on ne m’avait pas dites en face. J’ai appris des choses dans les journaux. Venant de mon club, ça m’a fait mal.
› A quels reproches faites-vous référence ?
Ceux en rapport avec la discipline. J’ai été écarté du groupe sans qu'on me dise pourquoi. C’est moi qui ai dû aller chercher les raisons moi-même. J’ai pris rendez-vous pour connaître les raisons de ma mise à l’écart. Même si j'estime avoir fais des erreurs, elles ne justifiaient pas de m’envoyer en CFA aussi longtemps. Vu la période délicate dans laquelle le club était, je m’attendais à ce que le club nous défende. Au lieu de ça, on nous a appuyé dessus. On a un peu été le bouc émissaire. J’ai eu le sentiment que le club voulait se servir de nous comme bouclier pour masquer la mauvaise série.
› Vous en voulez vous malgré tout sur certains plans ?
Oui, bien sûr, je m’en veux par rapport à certaines choses. Sur certains points je ne peux m'en prendre qu'à moi même. Je sais que j’ai fait des erreurs. Mais je suis encore jeune, ça fait partie de mon apprentissage. Par ailleurs, on a pu entendre que des cadres de l'équipe se seraient plaints du comportement de certains jeunes. Ce que je regrette, c’est que personne ne soit venu me voir ou nous voir pour en parler. Je n’ai eu aucun retour et ça, ça m’a un peu gêné.
« Je ne comprends pas à quoi on veut jouer avec moi »
› Comment expliquez-vous le contraste qui existe entre vos brillantes performances avec l’équipe de France Espoirs et ce début de saison très décevant avec l’OL ?
C’est simple. Premièrement, en équipe de France Espoirs, je joue, je suis titulaire et j’enchaîne les matchs. En plus, je joue à un poste qui est le mien et où j’ai des repères. Même si je peux évoluer sur tout le front de l’attaque, en sélection, je suis libre. Je bénéficie en plus d’une grande confiance de la part du coach, Willy Sagnol. Il me met à l’aise et je fais tout pour lui rendre sa confiance sur le terrain. Pour l’instant, ça marche bien. En comparaison avec ce que je vis à l’OL, le coach me fait vraiment confiance et il me le montre. Il me parle beaucoup, me conseille et me demande de rester moi-même sur le terrain.
› Lui avez-vous touché deux mots de vos difficultés à Lyon pour connaître son jugement ?
Oui, on en a un peu parlé, il m’a dit qu’il avait confiance en moi. Maintenant c'est a moi de faire le maximum pour qu'il garde cet confiance en moi, même si je n’ai pas beaucoup de temps de jeu avec l’OL. Il m’a dit aussi que je répondais à ses attentes, autant sur le plan disciplinaire que sportif. Et il me dit de ne pas lâcher, que ça va venir. Et que si je persévère, je serai récompensé. A Lyon, je ne me sens pas à l’aise, donc le fait d’aller en équipe de France une fois par mois m’apporte beaucoup de confiance, d’énergie et d’ondes positives. Ça me fait énormément de bien.
› Avez-vous le sentiment que le cas Yassine Benzia constitue un cas à part par rapport au traitement dont bénéficient les autres jeunes du club ?
Non je ne pense pas être un cas à part. C'est juste que quand j'ai prolongé, je m'attendais à autre chose. D’autant que je suis le seul jeune à être vraiment attaquant de pointe. C’est ma deuxième saison, j’ai déjà goûté au monde professionnel et j’ai tout fait pour pouvoir être titulaire dans l’équipe. Les dirigeants me tiennent un double discours et je ne comprends pas à quoi on veut jouer avec moi.
› Pardonneriez-vous plus facilement à vos dirigeants de ne pas vous faire davantage confiance si l’OL était aujourd’hui leader de L1 avec dix points d’avance ?
Bien sûr. Si l’équipe fonctionnait, enchaînait les belles prestations et les victoires et que j’étais sur le banc, je ne pourrais rien dire. J’attendrais mon tour. Mais ce n’est pas le cas. L’équipe ne marche pas bien et pourtant on ne me donne pas ma chance. Même à la période de la grande gloire lyonnaise, des joueurs comme Benzema et Ben Arfa, qui étaient aussi jeunes que moi à l’époque, ont réussi à sortir. Ils ont eu leur chance et l’ont bien saisie. Le contexte est tout autre aujourd’hui.
(Football 365 : "Benzia supporte mal sa situation" par Aurélien Canot, le 2 novembre 2013)